Contrastes

C'est toujours très étrange, de circuler entre les différents milieux.

Là où l'illustration est la plus claire, c'est au moment des repas.

Dans ma famille d'accueil, on mange avec les doigts, les repas se partagent a plusieurs autour d'une même assiette le midi. Le soir, chacun mange un peu plus dans son coin. Quand ils préparent pour moi, ils me laissent toujours un ou deux couvert, mais eux-mêmes n'en utilisent quasiment jamais.

A l'hôpital, les patients mangent la bouillie le matin, akoumé le midi et le soir. Les soignants alternent selon les disponibilités du restaurant entre akoumé/fufu/riz, qu'ils prennent a emporter dans des petites gamelles. Ils mangent aussi avec les mains, parfois en partageant les gamelles. Si on décide de manger sur place au restaurant, la moitié des personnes mangent avec des couverts, les autres avec les mains. Quand je mange avec le Dr en DES, c'est plutôt avec les couverts.

J'ai également été invitée chez le professeur Bakonde, le chef de service. Là, on mange avec les couverts, même si attraper 2-3 aliments avec les mains n'est pas trop mal vu. À une fête organisée par son fils, où se retrouvaient principalement des étudiants en médecine dans un hôtel, on mangeait exclusivement avec les couverts.

De ce que j'ai entendu raconter, dans les petits villages, il n'y a pas de couverts.

Ça peut sembler anodin, mais on délimite avec différents éléments du même genre plusieurs classes sociales.

Concernant les habitations, c'est différent.
À Lomé, les bâtisses se ressemblent globalement toutes. À part les rares constructions modernes qui brillent encore, les maisons ont des murs en béton gris, et des toits en tôle. Bon certaines grosses bâtisses comportent également des barbelés sur les murs, mais elles ne sont pas légion.
C'est surtout à l'intérieur que tout diffère. Les murs ne sont pas forcément peint. Il n'y a pas toujours des revêtements sur le sol. Ou au contraire la cours intérieure même est pavée. Alors que tous les quartiers comportent des populations plus ou moins fortunées assez mélangées, c'est a l'intérieur du foyer que la différence s'affiche vraiment.

Par ailleurs il n'y a que peu de SDF. Théophile m'expliquait qu'on trouvait toujours un parent, une tante, un oncle, un cousin chez qui dormir. Et que les SDF ici étaient "des fous" qui préféraient dormir dehors...

Un soir je suis allée chez Théophile avec d'autres membres de l'association. Il habite un village, au nord, un peu en surplomb de Lomé. L'eau courante ne vient pas jusque-là, alors il partage le forage fait dans sa cours avec des voisins, moyennant une petite participation. Il m'a dit que plus on s'éloignait de Lomé, plus la population était pauvre, a l'exception des autres grandes villes du pays. Déjà en se promenant en bordure de Lomé un jour, le secrétaire général de l'association m'a fait traverser "un village", un petit groupement de maisons de petites tailles, où a priori les gens sont plus pauvres, et qui ressemblerait aux villages plus au nord.

L'eau courante n'est absolument pas une évidence, même dans la capitale. On voit régulièrement femmes et enfants porter de l'eau dans de grandes bassines posées sur la tête. Dans tous les cas l'eau du robinet n'est pas potable (du moins pas pour les européens), mais l'eau en sachet est peu onéreuse et une bonne partie de la population ne boit pas non plus au robinet.
Chez Théophile toujours, traditionnellement on offre de l'eau (potable, sauf si on est de sale humeur) avant de saluer la personne que l'on invite.

L'électricité peut également manquer, même si cela reste plus rare. Par contre il arrive que la ville subisse des baisses de tension, ce qui fait que dans certaines maisons, on allume toutes les lampes dés 17h (la nuit tombe vers 18h en ce moment).

Toutes ces différences et d'autres encore constituent des codes différents selon les communautés, a ajouter aux particularités de chaque ethnie/famille. Circuler entre différents groupes est un exercice d'initié. Légère sensation de déséquilibre sinon avant de trouver comment s'adapter.